* Sabrina Soussan quittera le groupe SUEZ au 31 janvier 2025.
Comment définissez-vous le nouveau SUEZ, et quels sont vos principaux axes de travail ?
SUEZ est un leader mondial de l’eau et des déchets, avec un chiffre d’affaires de 9 milliards d’euros et 40 000 collaborateurs dans le monde. Nous avons 10 centres de recherche, 1 100 experts, et nous plaçons l’innovation au cœur de nos activités. C’est pourquoi notre plan stratégique 2023-2027 prévoit l’augmentation de 50 % du budget alloué à la R&D d’ici 2027. Nous sommes une entreprise de services, un industriel, mais je dirais aussi un énergéticien : nous avons produit en 2023 plus de 7 GWh d’énergie grâce aux déchets et aux eaux usées.
Parmi nos grands chantiers, je peux citer les axes de travail suivants :
- nous devons collectivement faire un usage plus raisonné des ressources. Pour cela, nos modèles économiques doivent évoluer en ce sens ;
- nos métiers de l’eau et des déchets contribuent par essence au développement durable, à la préservation des ressources. Pour aller plus loin, nous nous sommes engagés dans une transition ambitieuse, à travers notre feuille de route développement durable. Nous voulons rendre notre consommation d’électricité plus durable, et allons porter la part d’électricité renouvelable ou de récupération à 70 % de notre consommation totale d’ici 2030 au niveau mondial, et à 100 % en Europe. D’ores et déjà, nous avons atteint l’autosuffisance électrique de nos activités en Europe. En matière de biodiversité, deux tiers de nos sites prioritaires bénéficient déjà d’un plan d’action déployé et appliqué, et ce sera 100 % en 2027. Nous agissons aussi pour mieux préserver la ressource en eau : d’ici 2027 toujours, nous intégrerons dans toutes nos offres de production et distribution d’eau un engagement de préservation de la ressource ;
- nous avons mis en place une politique d’insertion volontariste, notamment à travers notre filiale dédiée Rebond Insertion. Depuis sa création, elle a déjà accompagné plus de 12 000 personnes, dont plus de 7 850 ont retrouvé le chemin de l’emploi. C’est une demande de nos clients, mais c’est aussi une conviction. Nous considérons que l’innovation sociale fait pleinement partie de la stratégie d’innovation ;
- enfin, la transition écologique appelle de nombreuses collaborations : avec nos clients collectivités, avec des industriels, des partenaires d’autres secteurs, les acteurs financiers, et les citoyens. C’est indispensable pour mener à bien les transformations nécessaires, pour repenser nos usages de l’eau et des déchets, et mieux les valoriser.
Comment généraliser les modèles de contrats incitatifs à la sobriété ?
Nous avons été pionniers dans la mise en œuvre de contrats de performance, c’est-à-dire des contrats qui rémunèrent la réduction des flux de déchets stockés ou la réduction des consommations dans le cas de l’eau. Cela passe par un accompagnement des citoyens pour les aider à mieux maîtriser leur consommation, avec des solutions comme la télérelève des compteurs d’eau par exemple, ou encore des programmes de réduction des fuites sur les réseaux. Dans le domaine de la gestion des déchets, c’est par exemple mettre en place des plans d’action ciblés pour sensibiliser les habitants, renforcer le tri des déchets alimentaires et améliorer celui des emballages recyclables.
C’est un véritable changement de modèle, du volume à la valeur. Dans le domaine de l’eau, cela s’inscrit dans un contexte plus global, qui doit nous amener à mettre en place une gestion plus structurelle, plus durable, plus anticipée de la ressource en eau ‒ notamment pour adapter les services de l’eau aux défis liés au changement climatique. Cela nécessite des investissements et il faut donc aborder, avec tous les acteurs du secteur et les collectivités, la nécessaire évolution du modèle de financement des services de l’eau et d’assainissement.
Je crois aussi qu’il faut faire converger des usages raisonnés et une transition juste. C’est ce que nous prônons chez SUEZ. Dans le domaine de l’eau toujours, cela peut passer par exemple par la mise en place d’une tarification éco-solidaire. C’est un dispositif qui encourage une consommation raisonnée de l’eau en instaurant des tranches de tarification progressive, entre eau essentielle (seuil correspondant aux besoins vitaux des foyers), eau utile et eau de confort au-delà.
Dans l’eau comme dans les déchets, les évolutions comportementales sont essentielles pour mener à bien ces transformations. Le Lyre, notre centre de recherche implanté à Bordeaux, travaille notamment sur ce sujet.
Comment la transition transforme-t-elle vos métiers, et comment financez-vous ce mur d’investissements ?
Ces transformations appellent en effet de grandes innovations. Mais la bonne nouvelle, c’est que des solutions existent déjà. En matière de qualité de l’eau, je peux citer par exemple l’osmose inverse basse pression. C’est une solution que nous allons mettre en place à Auxerre et qui permettra d’obtenir une eau de qualité premium, sans goût de chlore, et beaucoup moins calcaire. Ou encore le sujet des PFAS, sur lequel nous avons des solutions à la fois pour les détecter, mais aussi pour proposer des traitements à nos clients, adaptés à leur contexte local.
Je pense aussi aux solutions pour produire des ressources en eau alternatives, comme la réutilisation des eaux usées, ou encore comme le dessalement. Ce sont des technologies matures. SUEZ a construit 260 usines de dessalement dans le monde !
Dans le domaine des déchets, je peux citer les solutions pour toujours mieux les valoriser en énergie. Nous avons par exemple un partenariat avec CMA CGM pour leur livrer de grandes quantités de biométhane, un carburant renouvelable, sur plusieurs années. Nous travaillons aussi sur le sujet du biochar, une solution de séquestration du carbone, qui améliore la fertilité des sols. Dernier exemple, le recyclage des véhicules, sur lequel nous travaillons avec Renault.
Cette écologie industrielle suppose en effet pour être financée des partenariats nouveaux, ambitieux et de long terme entre acteurs industriels et avec les territoires.
Pour financer ces transformations, je crois qu’il est essentiel d’améliorer l’anticipation chez l’ensemble des acteurs. En Australie par exemple, les usines de dessalement ont été construites pour anticiper les épisodes de stress hydrique.
Tout cela illustre la grande variété de nos métiers, qui ont je crois un point commun, c’est d’être passionnants ! Ce sont des métiers qui ont véritablement du sens pour construire le monde de demain.
Source : Lettre EpE n° 75 – janvier 2025