Comment voyez-vous la transition écologique en cours ?
Ma conviction est double : le monde a besoin de moins d’émissions et plus d’énergie. Au-delà des économies d’énergies que peuvent et doivent réaliser les pays développés, la population mondiale continue de croître et la demande en énergie des pays en développement avec. Par contre, les émissions de gaz à effet de serre doivent baisser le plus vite possible et nous devrons atteindre la neutralité carbone à l’échelle mondiale, à horizon 2050 selon le GIEC.
Cette transition crée de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités. Les usages de l’électricité sont appelés à croître. Nous investissons dans le développement de capacités de production renouvelable et dans les moyens de maîtriser la volatilité des prix en nous intégrant dans la production, le stockage (notamment par batteries) et la commercialisation, par exemple avec les bornes de recharge de véhicules électriques.
La transition repose aussi sur de nouvelles molécules, notamment issues de la biomasse. La seconde génération est plus prometteuse que la première, mais elle ne sera pas la solution unique car les gisements sont physiquement limités. Nous voyons déjà une compétition entre les secteurs consommateurs pour sécuriser leurs approvisionnements.
L’hydrogène vert est un exemple intéressant. Sa production nécessite beaucoup d’énergie décarbonée et d’eau pour les électrolyseurs. Son coût final est cinq fois celui de l’hydrogène actuel, limitant son utilisation à des secteurs à forte valeur ajoutée comme la chimie. Il serait possible de bénéficier d’économies d’échelle en augmentant les volumes, mais cela nécessite en priorité de produire l’électricité décarbonée nécessaire au coût le plus bas.
Pour certains usages, les énergies fossiles, et notamment le gaz, resteront nécessaires. Le gaz est une énergie de transition, complémentaire des renouvelables intermittentes. Les capacités de stockage du CO2 doivent continuer à se développer, que ce soit de manière industrielle, avec par exemple la réinjection dans d’anciens gisements ou dans des aquifères salins, ou de manière biologique avec la reforestation et la régénération des sols.
Le paradoxe de la transition est que la demande énergétique augmente alors que la préservation du climat impose de réduire la consommation d’énergies fossiles et que l’offre en renouvelables est encore limitée. Pour empêcher l’explosion des prix, il faut agir sur la demande et rendre la transition des consommateurs abordable.
Comment cette transformation se traduit-elle pour TotalEnergies ?
Il faut anticiper, s’engager et avancer ensemble : cette transformation se met en place dans l’ensemble de l’organisation de TotalEnergies et avec nos partenaires, nos clients, nos fournisseurs.
D’abord, dans les projets nouveaux : nous avons investi dans les énergies renouvelables plus de 2 Md€ par an en moyenne ces 5 dernières années, 3 Md€ en 2021 et allons accélérer car notre ambition est d’être dans le top 5 des acteurs mondiaux de l’énergie solaire et éolienne en 2030, en passant de 10 GW de capacités renouvelables aujourd’hui à 35 en 2025 puis 100 en 2030.
Ensuite, dans la transformation de nos actifs industriels. Après Dunkerque et La Mède, nous transformons la raffinerie de Grandpuits. Elle devient une plateforme « zéro pétrole » dédiée à la production de carburants durables pour l’aéronautique (SAF) et au recyclage de plastiques.
Au-delà des actifs physiques, l’entité OneTech regroupe désormais toutes les compétences de recherche et ingénierie du groupe afin de mobiliser les expertises actuelles pour la transition, par exemple celles de l’exploration-production offshore vers le développement de l’éolien marin et le stockage du CO2, ou celles de la chimie vers la chimie du végétal ou les carburants synthétiques e-fuels. Nous créons des synergies entre les sept énergies produites et commercialisées par TotalEnergies. Cela nous permet d’être très attractifs pour les jeunes.
Enfin, c’est aussi les modes de gestion de la performance qui s’adaptent : les commerciaux ont désormais pour objectif de vendre 30 % de moins de produits pétroliers, pour laisser plus de place à l’électricité et aux renouvelables.
Le 30 mai dernier, vous êtes devenu Président d’EpE à la suite de Jean-Laurent Bonnafé : quels sont vos motivations et votre projet ?
Depuis 30 ans, EpE anime la réflexion collective du monde économique et accélère l’action des entreprises pour l’environnement. À titre personnel, j’ai pris conscience des enjeux de biodiversité grâce à EpE et notamment l’initiative act4nature qui a fait s’engager 65 dirigeants dès 2018.
Les membres ont défini une nouvelle raison d’être pour EpE : « une seule planète et un monde prospère ». Cela représente un changement de notre mode de développement, vers la circularité et fondé sur de nouveaux partenariats. En ligne avec cette raison d’être, les membres ont construit un programme de travail avec deux projets majeurs. Et je porte ce programme.
D’abord, l’étude ETE 2030 – étape 2030 de la transition écologique – veut répondre à la question « comment fait-on, d’ici 2030, pour tenir les engagements français et européens ? ». Cela contribuera à un récit national de la transition écologique, fondé scientifiquement, appropriable par le monde économique et le grand public.
Ensuite, au-delà des dirigeants et de la stratégie, il faut embarquer l’ensemble de l’entreprise. Pour cela, des groupes de travail rassemblant des responsables des différentes fonctions des entreprises membres vont identifier et déployer les meilleures pratiques existantes au sein des métiers.
Enfin, cette transformation étant collective, nous avons reflété cela en élargissant le Bureau de l’association à de nouveaux dirigeants pour plus de transversalité. La transition écologique concerne tous les secteurs, et nous voulons attirer de nouveaux membres pour renforcer sa dynamique.