Quel est votre principal enjeu environnemental et quels sont vos objectifs ?
La chimie est « l’industrie des industries », et notre stratégie consiste aussi bien à décarboner notre activité qu’à faciliter la décarbonation de nos clients par l’évolution de notre portefeuille de produits.
Nous avons pour objectif de diminuer les émissions de CO2 du groupe entre 2018 et 2030 de 25 % pour le Scope 1 et 2, et de 15 % pour le Scope 3.1, avec une ambition Net Zero en 2050 pour les trois.
Pour ce faire, nous allons faire évoluer notre mix énergétique en électrifiant nos sites et en augmentant la part d’énergies renouvelables (notamment éolien et solaire) et bas carbone de deux façons :
• en finançant sur fonds propres et en partenariat la construction de parcs éoliens en mer du Nord et au large des côtes allemandes ;
• via des contrats long terme avec des fournisseurs locaux d’énergie verte, comme Engie et Orsted.
En complément, sur notre site d’Anvers en Belgique, nous travaillons avec Air Liquide au développement d’une installation de capture de CO2. Ce projet devrait permettre à terme de capturer 1 million de tonnes de CO2 sur les 3 millions émises actuellement par notre site chaque année.
D’innombrables chaînes de valeur ont pour origine nos vapocraqueurs, véritable cœur de l’industrie de la chimie, qui permettent de chauffer à 850 °C le naphta, matière première de la plupart des solutions que nous proposons. Ils fonctionnent actuellement aux énergies fossiles. Les électrifier permettra de réduire de 90 % les émissions de CO2 liées à leur activité. Nous travaillons avec Linde et Sabic sur un prototype déjà à l’essai sur notre site Verbund (plateforme) de Ludwigshafen.
Enfin, en parallèle de nos 6 Verbunds, comparables à des écosystèmes industriels reliant entre eux jusqu’à 200 unités de production, nous implantons nos usines au plus près des fournisseurs et clients de matières recyclées et solutions. A l’exemple des batteries, notre site de Schwarzheide à l’est de l’Allemagne s’inscrit dans l’écosystème local où figurent de nombreuses autres industries, notamment automobiles et batteries.
Quel que soit le site considéré, Verbund ou plateforme, la plupart des solutions mises en œuvre sont faites « sur mesure » et ne sont pas immédiatement reproductibles tant nos sites ont chacun leurs spécificités. La proximité géographique avec nos clients et fournisseurs est un élément clef pour le développement de boucles vertueuses.
Comment travaillez-vous avec vos fournisseurs et clients ?
La décarbonation de nos activités passe aussi par celle de notre chaîne de valeur, notamment amont. Nous avons ainsi travaillé pendant deux ans à l’estimation de l’empreinte carbone de 45 000 de nos produits que nous pouvons communiquer à nos clients, sur demande. Ces recherches ciblées sur nos fournisseurs ont permis d’évaluer qu’environ 70 % des émissions liées à notre portefeuille venaient de notre Scope 3 amont. Nous avons donc mis en place un CO2 Management Program visant à interroger, engager et accompagner les fournisseurs pour réduire leur empreinte carbone.
Au-delà, nous visons à accroître la durabilité de nos produits et la transparence de leur composition à travers notre méthode TripleS. Cette méthode de pilotage de l’innovation et de notre portefeuille de produits permet d’identifier, d’une part, les solutions vertueuses et contributrices d’un point de vue environnemental, et d’autre part, les solutions moins durables. Cela nous permet de travailler concrètement sur des axes d’amélioration, sur les aspects sanitaires, de biodiversité, de ressources autant que d’émissions carbone.
La chimie est à l’amont de la majorité des secteurs industriels et est donc un contributeur incontournable à leur transition écologique. Nous essayons d’accompagner nos clients dans leur transition environnementale, sur les émissions comme sur les autres enjeux.
Nous utilisons pour ce faire l’approche dite « mass balance » qui permet via un système d’allocation d’augmenter la part de nos matières premières bas-carbone (biomasse en particulier, mais aussi matières premières recyclées), de réduire nos intrants fossiles, et d’en faire bénéficier les clients qui souhaitent la valoriser.
Pour certaines activités, nous sommes passés d’un modèle transactionnel à un modèle de collaboration stratégique avec nos clients sur le long terme pour le développement de produits. Par exemple, nous avons plusieurs sites de production en France où nous travaillons avec les professionnels de la cosmétique sur des principes actifs plus durables, issus de produits biosourcés, et les accompagnons dans le développement de leurs produits et la valorisation auprès de leurs propres clients.
L’accompagnement de nos clients est une démarche fondamentale pour le déploiement de nos solutions durables. Ce processus peut réclamer du temps sur certains marchés, ou au contraire se faire très rapidement sur d’autres (comme en cosmétique).
Pouvez-vous préciser cela dans le secteur agricole dont vous êtes fournisseur ?
Nous étudions de nouveaux business models plus incitatifs à la réduction des impacts, notamment en passant à un modèle basé sur l’économie de la fonctionnalité. Dans le domaine de l’agriculture, nous avons développé la solution Xarvio qui passe d’une logique de vente de produits (engrais et produits phytosanitaires) à une logique de service. Grâce à l’utilisation d’images par satellite, couplées à des données météorologiques et de terrain, ce service de surveillance et de contrôle assisté par ordinateur permet d’optimiser les rendements des agriculteurs tout en identifiant les endroits nécessitant des traitements. Cette solution réduit ainsi efficacement l’utilisation d’intrants.
Nous nous sommes aussi fixé des objectifs de réduction de nos ventes de produits phytosanitaires conventionnels : les produits innovants et de biocontrôle devraient représenter 30 % de nos ventes d’ici à 2030, et nous visons une part de marché de 15 % sur le biocontrôle. C’est en ce sens que nous investissons 15 % de notre budget R&D dans le développement de ces solutions innovantes et durables.